La place de la Concorde, la plus grande place de Paris, a connu une histoire mouvementée. Créée au XVIIIe siècle sous le règne de Louis XV, elle a été le théâtre d'événements majeurs de l'histoire de France, de la Révolution française à nos jours. Son nom même, Concorde, témoigne d'une volonté de réconciliation nationale après les troubles révolutionnaires.
Au cœur de Paris, là où les Champs-Élysées rencontrent les Tuileries, s'étend une vaste étendue minérale chargée d'histoire : la place de la Concorde. Plus qu'une simple place, c'est un véritable livre ouvert sur l'histoire de France, des fastes de la monarchie aux tourments de la Révolution, en passant par les ambitions d'un empire et les espoirs d'une république.

La construction d'un symbole
La place de la Concorde est la plus grande place de Paris. Lors d’un séjour à Metz, le jeune roi Louis XV contracte une grave maladie, plongeant ses proches dans l’inquiétude. Sa guérison, survenue quelque temps plus tard, fut perçue comme un miracle. Dans l’euphorie de ce rétablissement inattendu, l’administration royale décide de transformer cet événement en hommage au souverain. Profitant de l’occasion, elle lance un projet ambitieux : assainir une zone marécageuse et y ériger une nouvelle Place Royale, dédiée à la gloire du roi Louis XV et à son retour en bonne santé. Cette initiative symbolise à la fois la célébration de la monarchie et l’embellissement du territoire.
L’architecte Ange-Jacques Gabriel conçoit une place d’une grande sobriété architecturale, avec un sol en simple terre battue. Initialement pensée comme une esplanade plutôt qu’une véritable place publique, cette conception reflète une volonté de mettre en avant le paysage plutôt que des constructions monumentales. Contrairement aux autres places royales parisiennes, celle-ci adopte un style épuré, privilégiant l’harmonie avec les espaces environnants.
La place se distingue par ses quatre espaces arborés situés aux coins de la statue centrale, à peu près à l’emplacement des terre-pleins actuels. Une simple balustrade en pierre calcaire entoure l’ensemble. Celle-ci, tout en ajoutant une touche esthétique, remplit également une fonction protectrice pour sécuriser la place.
La révolution française
La place de la Concorde est la place la plus emblématique de la Révolution française. Étant la dernière Place royale, elle était considérée à la veille de la révolution comme le symbole de la gloire de la monarchie avec la statue équestre de Louis XV. En 1792, alors que la monarchie s’effondre, la statue équestre est détruite par les révolutionnaires. La place est renommée Place de la Révolution, reflétant le changement radical qui s’opérait dans la société française.
Durant la Terreur (1793-1794), la Place de la Révolution devient tristement célèbre en abritant une guillotine. Elle devient un lieu emblématique où la justice révolutionnaire frappe, souvent sans pitié. Au total, ce sont au moins 2000 personnes qui ont été guillotinées sur place. Parmi les personnages guillotinés figurent Louis XVI, Marie-Antoinette, Charlotte Corday, Georges Danton, Maximilien Robespierre, Olympe de Gouges, Madame du Barry ou encore Camille Desmoulins et Antoine Lavoisier. Plus qu’une ancienne place royale, l’octogone d’Ange-Jacques Gabriel était alors devenu le symbole des atrocités commises durant la période révolutionnaire. À la fin de l’année 1795, le régime politique du Directoire, nouvellement mis en place, décide de rebaptiser le lieu « Place de la Concorde ». Ce nouveau nom permettrait alors d’apaiser les tensions nées des exécutions à la guillotine et de repartir de l’avant après les bains de sang qu’elle avait connus.

L'obélisque du temple de Karnak à Louxor
En 1830, la Révolution de Juillet marque un tournant pour la France, avec Louis-Philippe prenant la place de Charles X. Le nouveau roi des Français souhaite marquer son règne par un projet symbolisant l'universalité, plutôt qu’un hommage au passé monarchique. Une opportunité inattendue se présente alors : le Vice-Roi d’Égypte, Méhémet Ali, offre à la France deux obélisques en remerciement pour son rôle dans le déchiffrement des hiéroglyphes antiques, grâce au travail de Jean-François Champollion. Ces deux monuments, issus du temple de Karnak à Louxor, dans l’ancienne ville de Thèbes, deviennent le cœur d’un projet historique.
Louis-Philippe demande à Champollion de choisir l’un des deux obélisques à rapporter en France. L’égyptologue opte pour le plus petit des deux, bien que ses dimensions restent impressionnantes : 23 mètres de haut et 230 tonnes. Ce choix s’explique par des contraintes de transport et l’état de conservation supérieur du monolithe sélectionné. Un navire spécialement conçu est affrété pour cette mission délicate. L’obélisque est finalement débarqué en France en 1833.
Le 25 octobre 1836, l’obélisque de Louxor est érigé sur la Place de la Concorde devant une foule de 200 000 spectateurs. Cet événement historique mobilise les meilleurs ingénieurs, sous la direction d’Apollinaire Lebas, choisi par Louis-Philippe pour garantir la réussite de l’opération. Grâce à un système ingénieux de poulies, l’obélisque est lentement positionné verticalement, sous les regards attentifs de la famille royale, qui observe depuis les balcons de l’Hôtel du Garde-Meuble.
La transformation de la place de la Concorde et l'ajout des fontaines
L'architecte Jacques Hittorff, inspiré par ses voyages en Italie et notamment par les fontaines de la place Saint-Pierre de Rome, proposa d'intégrer deux fontaines monumentales à la place, de part et d'autre de l'obélisque de Louxor, érigé en 1836. Ces fontaines devaient non seulement embellir la place, mais aussi symboliser la puissance maritime et fluviale de la France. Chaque fontaine possède une iconographie spécifique :
La fontaine des Mers (au sud, côté Seine) : Elle célèbre la puissance maritime de la France. On y trouve des figures représentant l'Océan et la Méditerranée, ainsi que des allégories de la pêche aux poissons, aux coraux, aux perles et aux coquillages.
La fontaine des Fleuves (au nord, côté rue Royale) : Elle met à l'honneur la navigation fluviale et l'agriculture. On y voit des figures symbolisant le Rhin et le Rhône, ainsi que des représentations des produits des régions qu'ils traversent, tels que le blé, le raisin, les fruits et les fleurs.
Jacques Hittorff ajouta 8 statues allégoriques de villes navigables de France. Chacune est dotée d'attributs spécifiques permettant de l'identifier :
Brest et Rouen (par Jean-Pierre Cortot) : Situées au nord-ouest. Brest, tournée vers l'océan, tient une proue de navire. Rouen, ville fluviale, est accompagnée d'un gouvernail.
Lille et Strasbourg (par James Pradier) : Situées au nord-est. Lille, ville industrielle, porte une quenouille et un maillet. Strasbourg, ville frontière, tient un parchemin et une lance.
Lyon et Marseille (par Louis Petitot) : Situées au sud-est. Lyon, ville commerçante et industrielle, est ornée d'une corne d'abondance et d'une navette de tisserand. Marseille, port maritime important, tient un trident et une ancre.
Bordeaux et Nantes (par Louis-Denis Caillouette) : Situées au sud-ouest. Bordeaux, ville viticole et portuaire, tient une corne d'abondance remplie de fruits et une amphore. Nantes, ville commerçante et portuaire, est accompagnée d'un caducée et d'un trident.
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